Effets d'un traitement ostéopathie sur les femmes souffrant de dyspareunie - Discussion
Discussion
Rappels des objectifs de l’étude
Le but de cette étude était d’évaluer les effets d’une prise en charge ostéopathique sur des patientes souffrant de dyspareunies. Pour cela, nous avons utilisé trois outils de mesure qui ont permis d’observer l’évolution des dyspareunies : le FSFI comme outil principal, l’EVA et un questionnaire sur le mode d’activité sexuelle comme outils secondaires.
Cette étude a montré des résultats non significatifs statistiquement, notamment à cause de son faible échantillon de patientes, de la récolte des données et de la durée du protocole qui n’a pas permis à toutes d’avoir une activité sexuelle régulière. Malgré cela, nous avons tenté d’analyser nos résultats afin de les corréler avec la littérature et ainsi comprendre la place de l’ostéopathie dans le parcours de soin des femmes souffrant de dyspareunies.
Analyse des résultats et corrélation avec la littérature
Nous avons utilisé comme outils principal le questionnaire du FSFI permettant d’indiquer si la femme souffre de douleurs pelviennes chroniques et d’évaluer le degré relatif de dysfonctionnements dans chaque domaine (5). Les résultats se sont révélés statiquement non significatifs mais nous pouvons noter malgré tout une légère évolution clinique pour chacune des patientes.
Lors de nos séances, nous avons remarqué que nos patientes décrivaient des douleurs sur certaines zones du corps que l’on pouvait retrouver chez plusieurs d’entre elles. Néanmoins, le traitement n’a pas été standardisé et s’est adapté à chacune afin de rester le plus holistique possible.
La plupart de nos patientes souffrait de dysménorrhées associées à la dyspareunie, et la prise d’une contraception orale prescrite par le gynécologue semblait diminuer la douleur. De nombreuse études étudient l’association de ses deux pathologies, que la dysménorrhée soit primaire ou secondaire, et présentent la thérapie manuelle comme ayant une application bénéfique.
La revue systématique de Abaraogu and All a effectué une recherche sur l’efficacité de la thérapie manuelle sur les dyspareunies primaires (douleurs menstruelles non organiques) et montrent des signes cliniques de diminution de la douleur tout en précisant que des recherches plus approfondies mériteraient d’être effectuées (27).
L’étude d’Arthur and All, qui s’intéressait à la dysménorrhée secondaire liée à la dyspareunie, a confirmé le fait que les deux sont généralement associées àdes douleurs pelviennes chroniques (9).
Au cours de nos séances, nous avons testé et travaillé, pour la plupart, sur les lames sacro-recto-génito-vésico-pubiennes, et sur les congestions abdomino-pelviennes. Chaudhry and All explique l’importance du rôle du bassin qui a un impact sur les dysfonctions cliniques pouvant survenir dont la congestion pelvienne (28).
Les patientes décrivaient aussi des troubles digestifs comme de la constipation ou des ballonnements : le système digestif semble souvent lié à cette pathologie. Dans l’étude de Sobhgol and All, la constipation fait partie des symptômes associés retrouvés chez les patientes souffrant de dyspareunies ainsi que des symptômes urinaires et intestinaux. Ils évaluaient, dans leur protocole clinique, le plancher pelvien au moyen de techniques internes incompatibles à la pratique ostéopathique de nos jours (29).
L’étude d’Ortega montrait que les patientes souffrant de constipation avaient plus tendance de souffrir de symptômes uro-génitaux comme la dyspareunie (30). Cette conclusion semble donc corréler avec nos observations cliniques sur notre étude.
Le diaphragme était aussi l’une des zones où les dysfonctions étaient présentes chez nos patientes. Comme dans l’étude de Bordoni and All, où un protocole a été effectué sur tous les diaphragmes, nous avons aussi investigué cette zone et travaillé en priorité sur les diaphragmes pelvien et thoracique. Dans leur l’étude, le traitement sur les diaphragmes pouvait être utilisé chez des patients souffrant de douleurs chroniques, où les restrictions respiratoires étaient souvent associées. Ils expliquent aussi qu’un dysfonctionnement diaphragmatique lié notamment aux émotions provoquerait une altération du fonctionnement du muscle diaphragme (31), ce qui semble aussi être le cas de nos patientes qui ressentent de la peur et l’appréhension de la douleur.
Nous avons aussi retrouvé au cours de nos séances des hypertonies musculaires, en particulier au niveau des insertions des adducteurs. Nous avons donc mis en place, en plus de notre traitement, des conseils d’étirements pour ce groupe musculaire. L’étude d’Ojukwu and
All a évalué l’activité électrique des muscles pelviens au moyen d’exercices pour les abdominaux et les adducteurs. Les résultats montrent que ces derniers ont un effet positif sur les douleurs et la mobilité du plancher pelvienmais précisent que la combinaison des exercices sur ces 2 groupes de muscles donnerait plus de résultats sur le plancher pelvien (32). L’étude de Grimes explique que le plancher pelvien a trois fonctions : soutien des organes pelviens, contribution à la continence des urines ou matières fécales et contributions aux fonctions sexuelles d’excitation et d’orgasmes (10). Une altération du plancher pelvien pendant la grossesse est aussi possible, ce qui concernait l’une de nos patientes de l’étude (31).
Dans le protocole de Sillem and All, le praticien ostéopathe a travaillé sur les douleurs chroniques pelviennes associées à une raideur des muscles examinés par un gynécologue et un kiné. Les résultats ont montré des améliorations des symptômes bien accueillis par les patientes de cette études où on différenciait les dyspareunies avec ou sans endométriose (33). Les résultats restaient positifs dans les deux groupes de l’étude.
Lors de notre protocole de tests, nous avons recherché la présence d’une possible névralgie obturatrice. L’étude de Beco and All s’interroge sur le fait que celle-ci puisse engendrer des symptômes de l’appareil urinaire bas et des dyspareunies. Cela confirmerait, d’après leurs conclusions, des signes de névralgie (34).
Un protocole similaire à notre étude a été utilisé dans l’étude de Wurn and All, avec l’utilisation du FSFI et de l’EVA, où l’échantillon de patientes était plus grand (23 patientes) et où un traitement basé sur des techniques développées par les thérapeutes de l’étude de type tissus mou dont la nature n’a pas été précisée, a été utilisé pour améliorer la mobilité ou diminuer l’adhérence. Ils sont partis de l’étude de Threlkeld, A. J and All expliquant les effets de la thérapie manuelle sur les tissus conjonctifs (35). Leur prise en charge était décrite comme intensive et utilisée de 2 à 4 heures par jour pendant 2 mois. Leur échantillon de patientes a permis d’effectuer un calcul de l’écart type afin d’avoir une différence statistique entre le avant/après traitement. Ce protocole d’étude s’était dérouléde 2002 à 2004, ce qui n’est pas réalisable dans un temps de mémoire étudiant.
Nous avons prodigué, à chaque patiente, des conseils et exercices adaptés à ce qui avait été retrouvé en séance : principalement des conseils de massage des zones douloureuses et des étirements des structures comme le diaphragme ou les adducteurs.
Dans l’étude d’Azima and All où des massages et exercices isométriques ont été appliqués pour les douleurs pelviennes et les dysménorrhées, ils ont montré une diminution significative de celles-ci (36).
Il a été décrit que le plancher pelvien peut présenter de nombreuses dysfonctionsen lien avec un fonctionnement anormal de la musculation du plancher pelvien provoquant une hypotonie (10). Nous pouvons émettre l’hypothèse que le manque d’activité liée à la sédentarité provoquée par la crise sanitaire pourrait augmenter la prévalence de dysfonctions pelviennes.
L’un des exercices donné en fin de consultation était un travail sur la respiration dans le but de se relaxer et d’appréhender les douleurs. Dans l’étude de Celik and All, la relaxation semblait diminuer les douleurs des dysménorrhées primaires et précisait que cela aurait un effet plus important si cela était fait régulièrement (37).
Dans le cadre de la dyspareunie, l’étude de Grime and All précise que l’intervention d’un sexologue est indispensable (10) mais, dans le cas de la plupart de nos patientes, cette solution complémentaire n’était pas totalement acceptée. Notre approche holistique a permis d’établir un dialogue et une alliance thérapeutique avec nos patientes afind’écarter tout risque d’abusou de maltraitance en liant avec leurs douleurs. Néanmoins, lors de nos anamnèses, des patientes nous ont confié, dans leurs antécédents, la présence d’abus sexuels qui sont l’une des grandes causes de développement de dyspareunie (10).
Nous connaissons l’importance du critère psychologique et l’impact de ce dernier sur les dyspareunies, qui sont notamment liées au vaginisme. Ce terme n’a pas été abordé auparavant dans notre étude car il est difficile de différencier ces 2 termes qui font partie tout deux des douleurs pelviennes chroniques. Dans une récente étude, Koops and Al explique que la littérature différencie la dyspareunie et le vaginisme mais qu’il existe encore des désaccords entre les chercheurs. L’étude de Koops and All atteste del’influence psychologique sur ces douleurs comme la majorité des références citées dans notre étude sur les dyspareunies (38).
Depuis 2021, le terme vaginisme et dyspareunie ont été regroupés dans un seul terme : trouble de la douleur/pénétration génito-pelvienne.
Nous avons donc essayé de comprendre cette influence psychologique à l’aide des deux outils d’évaluation secondaires (EVA et questionnaire sur le mode d’activité sexuelle) en s’intéressant à la différence du ressenti entre les rapports où le partenaire était à l’initiative comparés à ceux où l’initiative était commune. L’influence de l’initiative du rapport est restée statistiquement non significative. Il serait intéressant de voir pour les recherches futures quand la patiente n’est pas à l’origine du rapport, si cela pouvait influencer sur la présence de douleur.
A la suite de notre protocole clinique, même si les résultats statistiques n’étaient pas tous statistiquement exploitables, les patientes ressentaient des modifications positives dans leurs sensations, que ce soit au niveau de la douleur ou de la confiance en soi. Certaines d’entre elles avaient abandonné l’idée de se soigner, ne trouvant, pour l’instant, aucune solution à leurs portées. La moitié des patientes de notre étude pensait qu’il était normal d’avoir mal pendant les activités sexuelles.
Forces et faiblesses de l’étude
Nous avons principalement rencontré un biais de puissance dû au faible échantillon de patientes et de son recrutement. De plus, deux d’entre elles étaient des étudiantes du CEESO Paris en 1er et 5èmeannée ce qui représente un biais car ces dernières pouvaient avoir une idée de la prise en charge. Nous avions pour principe d’effectuer deux groupes comparatifs au départ avec un groupe placebo qui reprenait le mémoire de Mme Pichon et un groupe traité. (39). Malheureusement, notre recrutement ne nous l’a pas permis et avonsdû réadapter notre protocole pour une prise en charge sur un groupe de patiente avec une évaluation d’un traitement ostéopathique.Nous pouvons poser plusieurs hypothèses à notre faible recrutement : c’est un sujet sensible car il touche à l’intimité de nos patientes (25) et il existe une désinformation sur les champs d’action de la prise en charge ostéopathique. De plus, la période de crise sanitaire du COVID a causé une baisse de la fréquentation clinique.
Toutes n’avaient pas d’activités sexuelles régulières et les patientes ne devaient pas changer leur rythme, seulement remplir nos critères d’évaluation après leurs rapports.
Notre protocole s’est effectué dans un temps imparti à notre étude universitaire : c’était donc un temps réduit, évalué arbitrairement.
Nous avons aussi rencontré des difficultés dans l’utilisation des outils : certaines patientes avaient mal répondu à certaines parties du questionnaire.
Malgré nos nombreux biais, il est intéressant de noter que nous avons eu pour projet une étude innovante touchant un sujet peu traité et sensible mais bien présent dans la vie de nombreuses femmes. En effet, notre protocole pourrait servir de base pour une étude à plus grande échelle, avec un recrutement fait, par exemple, dans des centres gynécologiques, afin de pouvoir s’interroger sur la place de l’ostéopathie dans le parcours de soin et la prise en charge multidisciplinaire des dyspareunies.
Nous avons pu aussi utiliser un questionnaire référencé et utilisé de manière innovante en se concentrant uniquement sur la partie douleur ainsi qu’un traitement adapté à chaque patiente en fonction des dysfonctions retrouvées.
Chloé Langlois
Ostéopathe DO
A Nandy - 77